vendredi 21 juin 2013

Souvenirs, souvenirs: mon premier édito au Journal de Ngaye Méckhé !

Avec mes frères et sœurs du Le Phénix ,nous avons publié plusieurs articles dans le Journal de notre lycée. Ce fut une occasion de plus, c’est-à-dire après  Saint Louis-, de me frotter à l’écriture journalistique. Et ce fût un honneur – presque un sacre-, de signer le premier éditorial:
«Enfin !!! Nous y sommes arrivés !!!
Après de multiples tractations à n’en plus finir, le Phénix prend enfin son envol.
La période d’incubation a certes tiré en longueur, mais la détermination a triomphé .Il fallait surtout relever le défit pour échapper aux acerbes moqueries de ceux qui ne pouvaient croire à la concrétisation d’une telle idée.
Les moyens se faisaient rares, les documents aussi, mais l’espoir était permis. Grâce à la coordination et à la confrontation des idées, doublées de la perspicacité de nos encadreurs, nous avons pu éclore d’un Phénix. Cet oiseau légendaire de la mythologie antique a retenu notre attention par la force de son

extraordinaire don retenu par l’histoire .Il se brûlait pour ensuite, renaître de ses cendres plus beau que jamais. Partant vous serez bien aise  de comprendre toute l’essence de notre combat. Au travers de cet oiseau fabuleux, nous voulons symboliser la persévérance et le renouveau.
Dans ce contexte de créativité  et d’innovation nous étions  assez interpellés pour exprimer ce que nos esprits avaient mûri.
C’est ainsi que nous avons beaucoup traité d’études à travers nos colonnes. Mais aussi l’Actu, le Social, le Sport ne seront guère en reste.
Nous remercions tout particulièrement toute l’administration du lycée avec en tête M.le Proviseur pour leur appui sans failles.
Toute notre reconnaissance à la très charmante Mamie Fall pour sa complicité et sa compréhension Chapeau Mademoiselle….
Nous remercions aussi tous les gens qui de près ou de loin, ont apporté leur plume au plumage de votre Phénix. Nos colonnes vous sont ouvertes. Nous attendons avec impatience vos critiques, commentaires et suggestions pour bâtir ensemble le second numéro…
Le Phénix s’envole, envolons nous avec le Phénix.
Bonne lecture  !»
N.B : Hélas, nous nous arrétâmes à ce premier numéro. Depuis lors, je n’en ai eu aucune nouvelle. Je suis sûr que mes lecteurs de Ngaye Méckhé me diront ! Il faut ajouter que pour ce qui est de cette appellation ô combien parlante (le Phénix), l’idée est venue de mes petites soeurs Ndèye Fatou DIENG et Sokhna Ndira Tall qui tenaient abosulement à ce qu’il en fût ainsi. Ainsi, en fût-il !
Mes hommages renouvelés à ces braves demoiselles que j’ai retrouvées à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. C’est le plus joli cadeau que je puisse espérer du Ciel.

lundi 10 juin 2013

Autour du mariage chez les Peuls du Gandiol, interview avec Doulo Bambaado

 »Par le passé, quand on annonçait le mariage d’une fille, sa maman achetait beaucoup de paquets de sucre et les distribuait aux voisins et parents« 
Il y a quelque temps, Doulo Bambaado -comme on le surnomme- nous avait accordé un entretien. C’était lors d’une cérémonie de mariage à Dégou-Niayes (dans le Gandiol), moment favori pour revenir avec lui sur les principaux rôles sociaux liés à l’institution « mariage » dans la communauté peule. C’est avec une grâce étonnante que le très jeune griot peul a accepté notre requête. Un bambaado-c’est-à-dire dont le rôle est de transmettre la tradition, chanter lors des cérémonies heureuses, etc.- pressé d’être interrogé sur ce qu’il sait dire avec passion.
Que signifie le rôle du « baabo », littéralement le père dans la tradition du mariage chez les Peuls ?
Ousmane, je te remercie pour avoir posé cette question car elle revêt une immense importance.
Par le passé, il existait la relation de parenté entre des frères et des sœurs  dont les parents partagent le même père ou la même mère. Cela existe encore aujourd’hui.Quand je veux donner la main de ma fille à quelqu’un, je désigne un de ces frères-là comme étant le père d’emprunt de ma fille, histoire d’honorer et de renforcer  la relation  de parenté. Ce frère qu’on désigne comme le papa de ma fille donnera la main de celle-ci en lieu et place du vrai papa que je suis.
Après avoir donné la main de ma fille, la famille et les voisins vont lui remettre des cadeaux. Mais, puisque ce dernier doit offrir le taureau qui sera égorgé au nom de son rôle de père d’emprunt, il lui sera donné la somme pour l’acheter.
Que signifie le rôle du « yummo », littéralement le père dans la tradition du mariage chez les Peuls ?
Cela procède de la même logique que le rôle du « baabo ». Il sera attribué à une fille, ou femme (au besoin) dont nos deux mamans respectives partagent le même père ou la même mère. Tout comme ce qui est attendu du « baabo », le « yummo » fera la même chose, à quelques nuances près. C’est une sorte de commerce. C’est pourquoi, de nos jours, le rôle de « yummo » n’est plus confiné dans le cercle familial. Mais il est élargi à tous les membres de la société. On peut l’attribuer à quelqu’un au nom de l’honneur qu’on veut lui rendre, ou tout au moins, au nom d’un apport considérable en biens matériel qu’on attend de lui.
Que signifie le rôle du « gorgol », littéralement le père dans la tradition du mariage chez les Peuls ?
La relation de « gorgol », c’est celle qui lie le fils d’un frère à la sœur de ce dernier. De cette relation particulière, il ressort que l’enfant est le fils de la sœur et que cette dernière est son « gorgol ». Ce rôle aussi a subi de fortes emprises de la modernité. Il n’est plus seulement concentré au niveau du cercle familial, mais peut est attribué à quiconque au nom du bénéfice qu’on peut espérer en retour !
Quant à la  « jeekiraado » ou « cuddoowo », c’est elle qui offre les pagnes à la mariée. Ces pagnes servent à couvrir le visage de cette dernière comme il est exigé lors du mariage. Leur accès est interdit à une veuve,  une divorcée aussi. La « cuddoowo » viendra donner un nom au futur bébé attendu du couple qui vient de se marier. Cette prérogative lui est reconnue.
Parlez-nous du « lal »
Par le passé, quand on annonçait le mariage d’une fille, sa maman achetait beaucoup de paquets de sucre et les distribuait aux voisins et parents. Le jour du mariage, ces derniers vont lui donner de l’argent et des cadeaux- qui peuvent être des bassines, des pagnes…
Le jour venu, les membres de la famille d’où part la mariée, étale des pagnes. Maintenant, c’est plutôt des nattes. Voilà ce qui est appelé « lal ». C’est sur ces nattes ou pagnes que les cadeaux seront reçus et les noms de ceux qui les ont apportés seront ostensiblement cités.
Quid du « caayo » ?
C’une veillée nocturne autour de chants à l’honneur de la mariée, faite à la veille de son mariage.
Quant au « Kakargol », c’est une façon de préparer la mariée à sa nouvelle vie conjugale. Lors de cet instant solennel, elle sera injuriée par les femmes qu’elle a trouvées là. Par ces moqueries et quolibets, on lui apprend à préparer la rivalité avec ses potentielles coépouses.
Entretenez-nous de la préparation du mariage chez la fille
Il y a plusieurs procédés chez les Peuls. Quand arrivait l’heure de sortir de chez elle pour rejoindre sa demeure conjugale, on exigeait à la fille de prendre des bains. Il lui était même interdit de passer par certains endroits. On lui couvrait le visage pendant au moins deux jours, tout cela s’est enfoui dans l’histoire.
Qu’est ce qui a changé dans la façon des Peuls de célébrer le mariage ?
Auparavant, tu ne pouvais même pas connaitre ton épouse, c’est ton papa qui allait faire toutes ces démarches et sceller l’union. Tu ne peux dévisager ta femme que deux jours après sa venue.
Aujourd’hui, tout a changé. On serait même tenté d’affirmer que c’est la fille qui va demander la main du garçon. Le griot, le « bambado » n’arrive plus à nourrir son violon, son « hoddou ». Quand il se met à chanter, sa voix se noie dans le brouhaha des tubes de la musique moderne. Un pan de notre tradition peule s’est écroulé.

mercredi 22 mai 2013

Entretien avec Mademoiselle Isabelle Dominique Coly, sage femme d’Etat, responsable du poste de santé de Tassinère

Isabelle

 « Au niveau du Gandiol, c’est surtout l’hypertension artérielle et les infections respiratoires aigues qui  sont les maladies les plus fréquentes ».
L’huitre connait une activité quasi fébrile à Gandiol. Dans  cette communauté rurale forte de 29 villages avec une superficie de 600 km², l’exploitation de ce produit du fleuve rythme le quotidien d’une masse de femmes. Cela est à mettre en corrélation avec l’inoccupation de certaines d’entre elles en dehors des tâches ménagères. L’autre facteur pouvant incliner ces dernières à travailler dans ce domaine est que la population de la communauté rurale (avoisinant les  15095 habitants), est concentrée dans la zone côtière. Il n’y a pas motif à se soucier à, en croire la responsable du poste de santé de Tassinère : « Les fruits de mer ont un effet assez toxique sur l’organisme de la personne. Ça, c’est assez universel. Mais quand l’utilisation est faite avec modération, je ne pense pas que ça a un effet ».  Selon Mademoiselle Isabelle Dominique Coly, au début, quand la population a commencé à s’adonner à cette activité, il s’est signalé des intoxications alimentaires vite jugulées par une forte sensibilisation des agents des Eaux et Forêts.
Par contre, la sage femme d’Etat est catégorique quant aux maladies les plus fréquentes dans la communauté rurale de Ndiébène Gandiole. Il s’agit de l’hypertension artérielle et des infections respiratoires aigues. Toutes deux s’expliquent par l’environnement. La plupart des repas –pour ne pas dire tous- font appel au sel et à l’huile, sans compte le fait que les femmes travaillent dans l’exploitation de cet  « or blanc » à Tassinère. Elles y exposent alors les extrémités de leurs doigts et le sel les pénètre par voie cutanée.
Le Gandiol est aussi riche du fleuve Sénégal et de l’océan atlantique. Tous deux sont à l’origine du vent fort qui souffle sur la zone. Cela peut être à l’origine d’infections respiratoires aigues.
Au sujet de la couverture médicale universelle, Mademoiselle Coly tient à savoir : « On est en train de démarcher la dessus, parce que, cette couverture implique nécessairement la création de mutuelles, donc, une forme de mutualisation autour des postes de santé ». Néanmoins, tout n’est pas du ressort de la responsable du poste de santé de Tassinère : « Ça ne dépend pas carrément de nous, ça dépend des autorités locales ».
S’il y a des avancées majeures, c’est à propos de la vaccination. Des progrès énormes ont été enregistrés, succès qu’Isabelle Dominique Coly met sur le compte de la maturité de la population. « Ce sont des gens qui aiment bien venir se faire vacciner », dit-elle d’un air satisfaite. Tous les deux à trois mois, la sage femme se déplace, nous fait-elle savoir, dans les villages les plus reculés pour une vaccination sur place. « Le taux de décès pour les maladies juvéniles est bas, il n’y a pas de chiffres, mais on le sent », avance t- elle.

samedi 18 mai 2013

El Malick Seck, journaliste, éditeur de presse

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« La version classique de la formation des journalistes, qui consistait à leur apprendre les techniques de compte rendu, me parait totalement dépassée ».
Rencontré à l’hôtel Espadon de Saly (Mbour), le journaliste et éditeur de presse El Malick Seck est d’avis qu’il faut une petite révolution dans le métier de l’information. Le candidat à la mairie de Thiès plaide pour l’intégration de ce qu’il appelle « les nouvelles tendances » que sont le journalisme de données, lespolitical facts et le journalisme numérique.
Le premier consiste dans le traitement de chiffres, de statistiques destinés à une analyse de l’information.
Le deuxième implique la vie politique. Il s’agit, par exemple, de vérifier les propos des hommes qui se disputent l’accès au pouvoir, de confronter leurs discours et de surprendre éventuellement des contradictions.
Le troisième, le journalisme numérique, est de plus en plus visible à l’heure de la révolution des tablettes, des Smartphones. Ces techniques paraissent à l’éditeur de presse « beaucoup plus importantes » que les classiques devenues selon lui, « complètement dépassées ».
El Malick Seck constate que, de nos jours, l’information est à la portée de tout le monde. Il n’est plus besoin, argue t-il, de se déplacer pour la cueillir. Par conséquent, même ceux qui ne sont pas journalistes peuvent y accéder à l’heure de l’explosion des technologies de l’information et de la communication. II va de soi, compte tenu de tous ces changements majeurs, que « le public, ce qu’il attend du journalisme, ce n’est plus de faire des comptes rendus, mais, c’est d’interpréter et de lui donner une nouvelle façon de voir ces faits qui lui sont présentés », explique-t-il.
Le célèbre journaliste plaide également pour l’intégration de filières comme la spécialisation en journalisme en ligne ainsi que la création d’entreprises de presse dans les écoles de formation. El Malick Seck rappelle que, de plus en plus, les journalistes deviennent des patrons de presse et que donc, ils doivent y être préparés en amont. Aussi, tient-il à faire savoir que la durée des formations se révèle très longue alors que les étudiants, de plus en plus, deviennent intelligents. Par conséquent, deux à trois mois suffiraient pour acquérir les techniques de traitement de l’information et passer directement  à la pratique.

jeudi 16 mai 2013

Oumar Bâ, taxi-touriste à Saly : l’éternel insoumis

Oumar 1

A quarante-quatre ans, ce chauffeur doublé d’un guide touristique a déjà tout découvert. Plus rien ne trouve admiration à ses yeux blasés. Sa tendre jeunesse est une suite ininterrompue d’épreuves qui l’ont aguerri. Aujourd’hui, Oumar a le sentiment d’avoir tout connu au point que ses jours présents transpirent le remake d’une vie déjà vécue.  Cela a certainement à voir avec son caractère singulier. Refusant en effet la soumission incarnée à ses yeux par l’école, le jeune homme décidait alors de s’abandonner à son rêve : le volant. Le symbole est manifeste : être le seul maître à bord de son destin. Voyage dans l’univers d’un homme dont toute la trame de l’histoire tient à ceci : le souci de rester soi-même.
L’histoire d’Oumar Bâ est indissociable de celle de la Petite Côte où il a vu le jour un certain 6 Juin de l’année 1969. Certainement, elle ne serait pas la même s’il était né ailleurs. Dans cette partie de Mbour, les jeunes ont la réputation d’être débrouillards, aidés en cela par les petits métiers qu’offre le tourisme : rabatteur, guide, conducteur de calèche, chauffeur de taxi, artiste, etc. Oumar a presque été tout cela à la fois avant de se spécialiser finalement dans le domaine du taxi-tourisme. Il y excelle, manifestement. La nature semble avoir tout prévu pour l’y conforter.
De teint noir, une taille d’un mètre quatre-vingt-treize, il ne manque pas d’allégresse en dépit des timides rides qui se dessinent sur son visage et qui le donnent plus âgé qu’il n’est en vérité. Ses dreadlocks laissent entrevoir son côté rebelle, un trait de caractère qui ne le déserte jamais. Il se plait d’ailleurs à évoquer ses altercations au sujet de sa couleur, notamment lorsqu’il a été éconduit par l’ambassade alors qu’il voulait se rendre en France. Ce jour-là, raconte le taxi-touriste, il s’est mis dans tous ses états en disant à cette représentation étrangère qu’elle se moque de lui parce que tout simplement il est noir.
Son activité consiste à conduire les touristes en dehors du département de Mbour, vers des destinations aussi éloignées que Dakar, Saint-Louis, Kaolack, Thiès pour un tarif de 5000 F, au minimum. Mais il n’a jamais su que le destin pouvait le porter aussi loin de son imagination. Dans l’effervescence de la fin des années 1990, ce quadragénaire fait la rencontre d’une touriste française qui devient d’emblée son amie. Mais, à force de fréquentation, Vanessa finit par éprouver de l’amour pour son guide touristique. Oumar plie et rompt même. A la suite de deux ans de vie commune, le Mbourois demande la Lilloise en mariage, chose qu’il obtient en 2001. La seconde est plus âgée du premier de deux ans. Dans l’esprit d’Oumar, cela n’est pas naturellement une gêne. Le taxi-touriste a une conception quelque peu inhabituelle de la vie en société : ses histoires ne regardent que lui. Philosophie qui l’a inspiré à convoler avec la Française dans une société, dit-il, où ne pas se marier avec une de ses semblables est moralement réprimée.
Mais l’originalité audacieuse du Mbourois excède cet exploit. En 2001, Vanessa lui fait comprendre que ses parents, en âge avancé, ne peuvent plus risquer un voyage à l’étranger. Elle invite son mari à aller séjourner en France pour quelque temps, manière de faire connaissance avec les siens. C’est alors que le guide touristique, le batteur de tam-tam, le guitariste, le danseur, l’artiste, le chauffeur-tout un cumul de statuts confondus en lui- débarque en France, sa femme sous le bras. Mais les relations avec ses beaux-parents se sont vite distendues. Oumar jure en avoir eu la prémonition dès qu’il avait débarqué à Lille.
Pour ne pas dépendre des parents de son épouse, une « arrogante bourgeoisie », « condescendante » et « raciste », à l’en croire, il continue d’exercer son métier de chauffeur en même temps que quelque travail de journalier dans des domaines aussi divers que le portage, la maçonnerie etc. Le Mbourois refuse de se plier aux principes de sa belle famille qui veut être obéie en dépit du fait qu’Oumar vivait à part avec sa femme. Un beau jour, revenu du Sénégal, il trouve une plainte contre lui qui l’attendait sur sa table : abandon de domicile conjugal. Il n’en croyait pas ses yeux. Et ce, d’autant plus que c’est sa belle famille qui l’avait accompagné jusqu’à l’aéroport lorsqu’il partait en vacances. Il s’en est suivi un long feuilleton judiciaire au cours duquel le quadragénaire a asséné aux parents de son épouse qu’ils veulent se séparer de lui juste parce qu’il est un noir et donc, il ne connait rien des arcanes de la justice. Et la réaction de son épouse ? Sans voix. Vanessa tentait de ménager la chèvre (sa famille) et le chou (son mari). Elle ne voulait prendre le moindre parti, de peur d’être vexante. Insoluble dilemme que celui-là.
Elle finit toutefois par céder sous la menace de ses parents et a exigé le divorce. Déçu, décontenancé, Oumar Bâ finit par claquer la porte un beau matin, sans en avoir prévenu sa femme, prend la direction de Mbour. Aujourd’hui, il a repris son travail de guide et de taxi-touriste à Saly. Il se donne petit à petit une nouvelle vie qu’il partage avec sa copine espagnole. Quelque fois, un courriel en provenance de son épouse française –parce que, dit-il, il n’a jamais divorcé d’avec elle- lui parvient. Mais il répond toujours que si Vanessa veut ses papiers –permis de conduire, certificat de mariage etc.-, elle n’a qu’à venir au Sénégal, l’endroit même où leur union a été scellée. A Jamais ? Comme quoi, toutes les histoires d’amour ne sont pas toujours des happy-end.

lundi 22 avril 2013

L’incroyable histoire d’Abdoulaye Gueye

Composition&


Lorsqu’il partait à la conquête du destin, Abdel était encore très jeune. Après plusieurs années passées dans le commerce – mais, il a d’abord employé ses forces dans les travaux champêtres-, cet étonnant aventurier se rendit compte que l’horizon se fermait de plus en plus à lui. C’est alors qu’il décida, en 1998, avec l’impérieuse furie de réussir, de prendre congé de son Gandiol natal … vers une destination ….
Un soir, raconte Maty Sow, une femme avec qui il partageait la même demeure à Dakar, Abdoulaye Gueye lui présenta des chaussures, de grosses chaussures  qu’il venait d’acheter. Il fit savoir à la maman qu’il allait à la recherche d’un emploi. Ce soir – là, le jeune homme prit expressément le parti de passer la nuit loin de chez Maty pour que le moindre propos désarmant ne vînt contrarier son obstination à partir.
Indécis, celui-là ? Allons donc ! Ce jeune homme, issu de l’ethnie peule, en dépit de son nom qui le rattache davantage aux Wolofs, décida de partir sur un coup de colère. Colère d’abord de voir son destin figé alors qu’il le voulait en marche. Colère ensuite de voir le quotidien de ses camarades dicté par la loi de la répétition alors qu’il était assoiffé de nouveauté. Colère enfin d’améliorer le niveau de vie de ses parents puisqu’il est l’aîné. Et pour partir,  il avait arraché l’accord de ces derniers, qui, après moult refus, se cédèrent à la rage de leur fils.
L’infini des déserts – dans toute l’acception du terme- s’ouvrait alors à lui. Première escale : la Mauritanie. Nouadhibou l’accueillit pour sept mois. C’est à partir de là qu’il voulait se rendre en Espagne, mais impossible. Abdel plia, mais ne rompit jamais. Un bon de côté : il se retrouva à Rousso Sénégal. Pendant tout son séjour en Mauritanie, il ne put appeler ses parents, à Gandiol, sevrés de ses nouvelles depuis le jour où il les avait quittés. Le téléphone n’était pas aussi accessible qu’aujourd’hui en effet. Une idée se fit jour dans l’esprit de celui qu’on surnommait Mor Yombelé(celui qui vend à moindre prix, allusion à son métier de boutiquier) : emprunter le chemin escarpé de la Libye pour le royaume d’Espagne. Sa trajectoire : Rousso Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Libye, Algérie. Un chemin qui lui prit deux ans au total puisque ses escales pouvaient s’étendre sur plusieurs mois.
En Libye par exemple, Abdoulaye Gueye a séjourné pendant six mois en qualité de gardien d’une maison cossue. Sans salaire fixe, il était payé au gré des humeurs de son employeur, un homme riche qu’il décrit comme généreux, très obligeant à son égard et qui l’aimait d’une affection sans bornes. En dépit des bonnes relations qu’il avait avec ce dernier, Abdoulaye Gueye tenait, plus qu’à tout, à entrer au Maroc. Pour se soustraire à la bienveillance de son patron, il prétexta avoir perdu son grand-père et que donc, il devait retourner au Sénégal. La ruse fit rapidement son effet. Néanmoins, l’étape qui l’a le plus marqué parce que « longue et périlleuse », dont les souvenirs s’agitent encore dans son esprit, est celle entre la Libye et le Niger. A Agadez, dans ce dernier pays, il patienta pendant vingt jours pour que le camion qui devait le conduite vers le pays de feu Mouammar Kadhafi fît son plein : deux cents personnes à bord, avec bagages. Son escale au Maroc n’est pas aussi dépourvue de souvenirs : venant fraichement de la Libye, il avait épuisé son argent aux fins de venir en aide à ses compagnons d’infortune. C’est alors que son papa lui vint au secours en lui envoyant quelques billets de francs.
Tous ces exploits seraient-ils à mettre sur le compte de la bravoure ? Du courage ? Abdoulaye suggère la négative. Pour lui, à vingt ans, tout ce qui le faisait vibrer était la douce insouciance : « Je n’avais pas conscience du danger », répond-il. Ce qui est sûr, c’est qu’après maints essais, Abdel réussit enfin à entrer en Espagne. Il a été accueilli par la croix rouge  où il a passé près de deux mois. A l’époque, explique-t-il, il fallait dire qu’on vient des pays comme le Congo pour être admis. C’est parce que, dans cette partie de l’Afrique du Centre, il ne manquait pas de guerres en général et que donc, ceux qui en venaient, étaient vus comme des réfugiés. Là, il fit la rencontre d’un Sénégalais qui le mit en contact avec son frère à Barcelone. Dans cette ville réputée d’Espagne, Abdoulaye Gueye déposa pour un boulot avant d’être appelé deux jours plus tard. C’était positif. Il travailla comme journalier dans une usine. Ce qui l’y a le plus aidé, c’est qu’entre temps, on lui a envoyé son extrait de naissance et il s’est fait son passeport en Espagne-même.
Aujourd’hui, le Gandiolais s’est bien acclimaté à Ibiza, Baléares. Il se débrouille pas mal dans la langue de Cervantès, en plus de l’anglais et du français, rencontrés dans son long périple. Abdoulaye travaille comme chauffeur, métier de son rêve, même s’il n’est l’idéal.
Son temps est partagé alternativement entre un camion et un bus. Toutefois, à l’heure actuelle, c’est plutôt le camion qui l’emporte car les touristes (qu’il conduit en bus) se font rares en cette période de rigueur hivernale. Cet emploi lui rapporte 1500 euros par mois et il en dépense 300 pour sa chambre. Le reste sert à satisfaire la dépense quotidienne pour sa famille restée à Gandiol.
A trente-trois ans, Abdel a acquis une solide expérience. Suffisante en tous les cas pour faire savoir à ses frères du Gandiol en général, de l’Afrique en particulier, que tous les happy-end qu’on dit de l’immigration ne sont pas vrais et qu’une vision trop géniale de l’Europe est malheureusement bien répandue dans la jeunesse de son pays. Aussi, fustige-t-il le fait que les dirigeants africains prêchent sous tous les cieux l’intégration économique et que partout, pourtant, les fils du continent souffrent sur les frontières. Rien ne trouve grâce dans l’opinion de ce fin voyageur, même pas la politique agricole de son pays : le Sénégal. Abdoulaye confie qu’il a beaucoup investi dans l’agriculture et que ça n’a jamais « décollé ». « Nos présidents de la République nous exhortent toujours à cultiver la terre sans jamais nous en donner les moyens. L’avancée de la salinité des sols à Gandiol est criante et aucun emploi n’y existe ». Abdel ajoute que s’il avait la possibilité, il y construirait une usine en employant trois mille à quatre mille jeunes. « J’y ai beaucoup investi, notamment dans le commerce, en vain… », se désole-t-il. Eternel râleur Abdoulaye ! Maty Sow, évoquée plus haut, tient sur lui des témoignages élogieux : « C’est un homme d’une grande générosité, discipliné, respectueux de ses parents, attaché à ses proches, d’un sang-froid à toute épreuve…, paisible ».
Après son deuxième mariage, Abdoulaye Gueye sent sa responsabilité plus accrue dans son village natal : Ouro Guèdj. Il s’y rend régulièrement, issu de parents cultivateurs et commerçants. Son teint clair et sa longue chevelure  ne l’ont pourtant jamais incliné à convoler avec les Espagnoles. Abdoulaye se dit plus proche de ses parents peuls. D’une taille moyenne quand ce n’est très petite, il rêve un jour, de rentrer enfin et de monter des entreprises au Sénégal. Son plus grand regret ? N’avoir pas été à l’école française : « On vit piégé quand on n’est pas instruit », dit-il comme pour ériger une maxime.

samedi 20 avril 2013

Gandiol: quelle importance des politiciens ?

Mouhamet Chérif Counta

Les politiques sont ils en vacances depuis l’élection présidentielle, voire les législatives sur le terroir du Gandiol ? Tout semble l’attester. C’est là peut-être où il faut situer le mal du politique de notre temps : les électeurs désertent de plus en plus le phénomène partisan, convaincus de n’être que des tremplins pour la marche vers le pouvoirDe plus en plus,aux quatre coins du monde -mais ça n’est qu’une digression, j’en reviendrai au cas pratique du Gandiol – la confiance des citoyens, seul fondement à mes yeux de la légitimité populaire, s’érode à une vitesse vertigineuse. N’ayant pratiquement plus de prise sur leur quotidien obscurci de plus en plus par la grisaille économique et l’hypothèque de l’avenir, le discours politique ne prend plus vraiment, ou s’il prend, j’ai la faiblesse d’entrevoir qu’il prend mal.

Ce qui est intéressant et qu’il faut décrypter avec finesse, à mon avis, c’est la multiplication de ce qu’on appelle dans le jargon de la science politique « les formes non conventionnelles de participation politique ». Au Sénégal, il est vrai que les phénomènes de casse et de saccage des lieux publics ne datent pas d’aujourd’hui. En 1988, au lendemain des élections présidentielles et législatives remportées officiellement par le président Abdou Diouf, il y avait eu des pillages lors des émeutes à Dakar (magasins, kiosques éventrés, bus saccagés, bus de transport collectif endommagés). Peut-être que c’est là le degré extrême de la participation politique non conventionnelle.
Mais il est vrai qu’on peut tout de même observer une abondance des associations où les individus se prennent en charge, construisent ensemble des destins et créent entre eux des liens sociaux basés sur l’entraide. J’ai la faiblesse de croire que les grands mythes et les récits mobilisateurs cessent progressivement de l’être dans l’esprit des citoyens désabusés. Comment comprendre qu’au Gandiol, les politiques – ou politiciens, que sais ? – n’attendent que les sirènes électorales pour aller à la rencontre des populations ? On dirait que ces dernières n’existent que dans l’appétit démesuré de ces « bana – banas » du suffrage électoral ?
Dans cette communauté rurale de Ndiébène Gandiol, l’eau potable est une denrée de plus en plus rare. La route goudronnée devant relier Tassinère aux autres villages est toujours attendue. Interrogé sur ce mutisme assourdissant, Cheikh Mouhamet Counta, politicien résidant à Darou Salam, dit s’agiter depuis quelque temps pour que le Président Macky Sall se rappelle ses engagements pour les populations du Gandiol. Lors de l’entre-deux-tours, l’actuel locataire du Palais était à Mboumbaye (dans le Gandiol) à la quête du suffrage des Gandiolais. Le Chérif politicien promet d’apporter, avec ses alliés, son soin au mal de ces derniers.